De chiroulet

De chiroulet Shetland Sheepdog

Shetland Sheepdog

par Mr THEBAULT (président du Shetland Club de France)

par Mr THEBAULT  (président du Shetland Club de France)


 "MON SHETLAND, MA RESPONSABILITE"

par Mr THEBAULT  (président du Shetland Club de France)

Un shetland se balade, seul, librement, au milieu d'autres chiens dans la foule d'une exposition canine.

Observez-le un moment. De temps à autre, il dresse la tête, regarde au loin, semble chercher quelque chose, puis repart en trottinant. Que des gens passent, le frôlent, qu'ils fassent du tapage, que des enfants courent, rien ne semble pouvoir le perturber. Mais que quelqu'un s'arrête, s'intéresse à lui, il se fige, interrogateur. Si l'inconnu, pourtant bien intentionné, lui parle, ou pire tend la main, notre sheltie est d'un bond à deux mètres. Si l'autre insiste, c'est à dix mètres de l'intrus qu'il file aussitôt pour reprendre sa ronde, s'assurant toutefois, l'oeil en coin, que personne ne le suit. Il s'arrête de nouveau, nez en l'air, rapidement paraît avoir repéré ce qu'il cherche, s'en rapproche en forçant le pas et reprend son manège.

Que cherchait-il? Son maître, tout simplement.

Notre SHETLAND vit sa vie en quête de quelque opportunité du genre morceau de croissant ou rondelle de saucisson - car il est gourmand, l'animal - mais jamais il ne perd du regard celui qui compte le plus pour lui : son maître.

D'ailleurs, si vous pouviez les suivre dans leur maison, vous constateriez qu'il se pose toujours près de lui. Le maître se déplace, il le suit. Une porte les sépare, il attendra là, en sentinelle, jusqu'à ce que l'autre réapparaisse. Vous verriez aussi leurs moments de jeu et de folie, leurs instants de tendresse. Ces deux-là font bien la paire.

Si le SHETLAND doit être " affectueux et réceptif vis-à-vis du maître, réservé envers les étrangers, jamais craintif", celui-là est un bon SHETLAND.

 

J'ai pris cet exemple - il y en a bien entendu beaucoup d'autres - parce que tous ceux qui participent à nos Nationales connaissent ce chien, ou plutôt cette chienne: CH. Idess de Chiroulet, et sa maîtresse, Karine Dupuy.

Hélas, il est bien évident que tous les Shetlands ne sont pas aussi équilibrés qu'Idess lorsqu'ils sont en public. Si leurs rapports avec la famille, dans leur milieu de vie, est toujours excellent, il arrive trop souvent qu'à l'extérieur certains se montrent bien inquiets, voire franchement peureux.

Quand un chien ne donne pas toute satisfaction, quand son comportement n'est pas partout celui que l'on attendait, plutôt que de chercher à vraiment comprendre pour essayer d'améliorer, si cela est encore possible, bien des maîtres vont se contenter d'explications simplistes mais rassurantes qui leur permettront d'en rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre.

Jamais un vétérinaire ne vous dira que vous vous y êtes "pris comme un manche" pour éduquer votre chiot. L'accepteriez-vous d'ailleurs ? Il préférera vous faire le plaisir d'affirmer que c'est la faute de l'éleveur. L'éleveur, péremptoire, et qui en a vu d'autres, renverra le véto à ses seringues et déclarera avoir "fait tout juste", pensez donc ! A la limite peut-être admettra-t-il que la génétique y est pour quelque chose. Attention ! pas n'importe quelle génétique, une génétique maison, à usage privé, juste celle qui lui permet de mettre en cause l'étalon, père de votre chien, qui appartient à un autre éleveur - parce que vous pensez bien, la mère, sa chienne, elle n'est pas comme ça.

Alors qui est responsable ?

Le caractère d'un chien n'est pas le fruit du hasard.

Papa, maman et l'armée de ceux qui sont derrière ont bâti "une NATURE". La naissance l'a livrée "brute de décoffrage", si j'ose dire. Maintenant, il va falloir s'en occuper, s'y mettre sérieusement sans tarder, car la tête d'un chien se construit pendant les premiers mois de vie.

A la mère, aux frères et soeurs, aux copains de jeu de lui apprendre des histoires de chiens.

A l'éleveur de lui faire découvrir l'homme par des contacts fréquents, des caresses, des parlotes... de l'inciter à la découverte d'un territoire toujours plus vaste, de le mettre en douceur face aux premières surprises, aux premiers désagréments.

Au maître, enfin, de compléter en lui montrant le monde, les voitures, les bruits de la ville, etc.

 

Si votre enfant, bébé encore, pleure soudainement lorsque claque un pétard ou s'accroche à vous en hurlant dès qu'il voit le pédiatre, vous ne penserez évidemment pas qu'il est taré, c'est le vôtre... Pas question d'impliquer la génétique dans cette histoire, n'est ce pas ! Vous ne direz même pas : "Quel trouillard ! ". Vous penserez seulement, vous direz peut-être : "le pauvre, il a eu peur." Votre souci sera alors de le consoler, de le rassurer, de lui expliquer que ce n'est pas grave, que ceci, que cela... Vous le mettrez en confiance et très probablement, après quelques expériences, semblable situation ne l'inquiétera plus autant, puis plus du tout.

Pourquoi voudriez-vous qu'un chiot soit naturellement, davantage capable de faire face à pareille épreuve qu'un humain ?

Il lui faudra aussi passer par un apprentissage, être éduqué, sociabilisé, confronté progressivement à toutes sortes de difficultés avant de les subir sans crainte. Mais ceci devra se faire au moment de sa vie ou il est le plus réceptif : ses premiers mois. Après, si une étape a été raté, s'il a pris un faux pli, la remise en ordre sera bien délicate et probablement jamais totale.

Qui donc est responsable de son caractère? Tous, solidairement, tous ceux qu'il a fréquentés pendant sa première année d'existence.

Une mère qui ignore ses chiots ou qui les brutalise n'est pas une bonne mère. Un éleveur qui ne va les voir, dans un box, qu'une ou deux fois par jour pour les nourrir et les nettoyer, n'est pas un éleveur compétent.

Un maître qui renonce à emmener son chien en voiture parce qu'il y est malade, qui ne le sort jamais de sa cour parce qu'il n'aime pas ça, n'est pas un maître avisé.

Discours valable pour toutes les races, mais certainement plus encore pour un chien "tout en sensibilité" comme le SHETLAND.

 

Le SHETLAND, chien de berger, a autrefois eu pour fonction de protéger la ferme contre les troupeaux errants. Il garde son domaine, se méfie de ce qui vient d'ailleurs, il n'a pas de goût pour le vagabondage et ne se sent vraiment bien que chez lui.

Le mode de vie que nous lui proposons aujourd'hui est tout autre, opposé parfois. Son maître se déplace et souhaite que son chien l'accompagne, S'il ne l'a pas appris dès son enfance, rien de surprenant à ce que cela pose problème. Heureusement, notre SHELTIE dispose de grandes capacités d'adaptation. Ce n'est pas non plus un idiot ( les "tests d'intelligence" du professeur S. COREN le classent au 6ème rang des 1321 races étudiées...) et il a une grande confiance en son maître. Il ne devrait donc pas être bien difficile, pour peu que chacun se donne la peine de le comprendre et de l'éduquer, d'en faire en toutes circonstances un chien bien dans sa peau.

Soyons donc tous conscients qu'un chiot n'est pas un produit fini et que, pour une large part, il devient le chien que l'on mérite.

 

EDITO REVUE 57


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Les aventures d'ORTIE-NIAQUE de Chiroulet en stage troupeau













Depuis que ma petite chienne Ortie avait brillamment réussi ses tests lors du Certificat d'Aptitudes Naturelles au Troupeau (CANT), j'avais bien envie de faire un stage avec elle, juste pour lui donner la possibilité de s'amuser et, il faut bien l'avouer, parce que j'étais fière de posséder un shetland qui faisait dire aux juges : "Quel dommage, cette chienne ne gardera jamais de troupeau !"





Ortie avait eu la possibilité de rencontrer des brebis chez le juge Pierre Legatt, qui avait vu immédiatement qu'elle avait un "midi-6 heures" inné, c'est-à-dire qu'elle se plaçait naturellement derrière le troupeau par rapport au conducteur. Comme elle basculait de droite à gauche derrière les brebis, il ne restait plus qu'à marcher devant le troupeau pour "tirer" celui-ci dans la direction voulue.





Ortie avait une vraie passion pour le travail et, face aux moutons, elle oubliait même sa réserve naturelle vis-à-vis des étrangers. Pour le plaisir d'être lâchée derrière les bêtes, elle laissait sur la touche ses maîtres et partait avec le berger, qui lui, sachant se placer au milieu de son troupeau, menait ses brebis avec Ortie comme il le souhaitait. Fière de mon petit génie, je décidais donc de m'inscrire à un stage chez Gérard Lalande à Salles en Gironde, en avril 2001, puisque celui organisé par notre club se tenait à plus de 1200 km de chez nous.











Je connaissais déjà Gégé Lalande du temps où il éduquait des chiens pour l'ANECA : mon fils Patrick avait pris en pension un chiot Golden Retriever pour le préparer à sa destination de chien pour handicapé. Pendant 18 mois, "Luna" et Patrick fréquentaient donc deux fois par semaine l'école de l'ANECA. J'ai pu observer l'éducation remarquable que cette chienne acquit sous les ordres de Gégé. D'ailleurs Luna est depuis longtemps déjà la meilleure amie d'un petit garçon handicapé dans le Nord.





Je pense que Gégé Lalande, dans une autre vie auparavant, avait dû être chien. Probablement un sacré "cabot", qui faisait sûrement ce qu'il voulait... avec les humains ! Gégé connaît tellement bien les chiens et très vite leurs maîtres, qu'il anticipe toutes les réactions des uns et des autres.











Nous voilà donc partis pour 4 jours de stage, en compagnie d'un berger des Pyrénées, d'un briard, d'un beauceron, d'un border collie, d'une malinoise et de Korben, frère de portée d'Ortie, qui lui aussi avait réussi un excellent CANT.





Mardi matin, le temps était menaçant, mais il ne pleuvait pas. Premiers lâchés sur les bêtes enfermées dans un cercle clos pour observer le comportement des chiens stagiaires. Pleine de fougue, ma petite Ortie n'avait rien à envier aux grands ! Elle tournait autour du troupeau et se laissait "inverser" sans problème. Le rappel au pied n'était pas parfait : elle avait tellement envie de rester près des brebis...





Débutaient alors les premières séances d'obéissance ! Le matin, Gégé, ancien professeur, nous avait fait un cours théorique, expliquant ce que nous serions amenés à demander à nos chiens, en trois étapes : "Un chien de berger sert à aller chercher un troupeau, à l'immobiliser et à le déplacer. Pour cela le chien doit avoir un Stop couché infaillible à tout moment, même loin de son maître. Plus tard, il aura besoin de connaître sa droite et sa gauche par rapport au troupeau. Il devra apprendre les commandements : PousseRecule et Doucement".











Nous avons donc travaillé le "stop couché", position très vite acquise par les autres chiens, qui pratiquaient tous ou l'agility ou l'obéissance. Mais Ortie, qui n'avait jamais rien fait d'autre que de gambader insouciante à travers sa petite vie de chien de compagnie, ne comprenait pas ce qui lui arrivait et se montrait plutôt têtue ! Heureusement qu'après 5 minutes de discipline sévère, il y avait ces séances de récréation, durant lesquelles elle avait le droit de galoper autour des moutons dans le cercle, ce qui lui redonnait de la "niaque" et de la joie de vivre, enfin cette motivation qu'il fallait absolument lui conserver, si nous voulions poursuivre notre aventure !





Le mercredi commençait très mal ! Pendant la nuit il était tombé des trombes d'eau ! A 9 heures l'orage grondait et il pleuvait, pleuvait, pleuvait... Gégé, pas plus motivé que nous pour aller se tremper, nous proposait un cours de théorie sur les brebis, leur entretien, les races à viande ou à lait, et nous avons appris, que de nos jours, la laine des brebis ne rembourse même pas les frais de tonte.











Vers 11 heures il cessait enfin de pleuvoir et toute la troupe était heureuse de sortir ; mais voilà que commençait la galère pour Korben et Ortie ! Le troupeau, c'était génial, tourner autour du cercle, c'était un jeu bien amusant pour eux, mais exécuter l'ordre "stop couché" dans l'eau, dans la boue…! Pour Korben, il n'en était pas question, lui qui faisait un grand détour autour de chaque flaque d'eau (même en concours d'obéissance, au grand désespoir de sa maîtresse) perdait très vite goût pour ces exercices et allait chercher un petit bout de bois, le posait devant sa maîtresse, et avait l'air de lui dire : "Allez, ça suffit ! On joue à autre chose !"





Ortie, plus soumise que Korben, obéissait, mais sans enthousiasme. Seul le contact avec le troupeau, même à travers le cercle, lui redonnait envie de continuer. Et pour démotiver encore un peu plus nos petits Shetland, voilà qu'une brebis, que nous appelions "Tête Rousse", distribuait un "coup de boule" bien placé et ma petite Ortie prenait le large avec beaucoup de "kaï-kaï" !











Je ne sais pas si Tête Rousse avait un "QI" plus élevé que ses congénères, mais cette peste avait très bien vu qu'elle n'avait pas intérêt à baisser la tête devant Jade, la malinoise, ou Rio, le border, qui eux n'auraient pas hésité une seconde pour se faire respecter, à coup de dents s'il le fallait ! Mais voilà, nos 8 kg et demi de petits chiens bien courageux (mais pas fous) face à 90 kg de mouton, bien habitué à toute sorte de chiens, avaient bien du mal à se faire respecter. Même si Ortie revenait courageusement derrière le troupeau et le poussait bien, elle s'écartait en vitesse lorsqu'une brebis l'attendait tête baissée. Et Tête Rousse semblait prendre un malin plaisir à attendre les petits chiens, alors qu'avec les grands elle était noyée dans le troupeau !





Après le repas de midi, au cours duquel nous parlions "chien" bien sûr, nous reprenions le chemin vers les champs, mais pas en direction des brebis, mais vers les canards ! Les canards, nous expliquait Gégé, ont le même comportement en groupe que les moutons : ils se regroupent pour former un troupeau, qui se guide comme les brebis. Vous imaginez qu'il soit dans un cercle et vous envoyez votre chien derrière. Après vous "l'inversez". Vous marchez devant. Essayez de passer entre les cônes en slalom et vous revenez ici. Lorsque votre chien sera à peu près calme, vous essayerez d'obtenir un "stop couché", bien derrière les canards !











Comme cela avait l'air facile ! Surtout lorsque Gégé nous montrait l'exercice avec Rio, le border... Mais après, les uns après les autres essayaient, et qu'est ce que nous avons ri ! Des canards qui galopaient, des chiens qui s'éclataient, des plumes qui volaient, une Karine qui s'étalait… et un Gégé stoïque qui maîtrisait ! Il évitait les "meurtres", rassemblait ses pauvres canards qui ne pensaient qu'à s'échapper en direction de leur volière, et finissait par nous apprendre à tempérer la fougue de nos chiens.





Jade, la malinoise, avait besoin d'entendre claquer le fouet de temps en temps pour éviter qu'il n'y ait du canard au menu du soir, par contre nos Shetland se montraient très doués. Ortie attendait son tour tremblante de la pointe des oreilles jusqu'au bout de la queue, en piaffant d'impatience, pendant que les autres chiens travaillaient mais, lâchée sur les canards, elle les conduisait calmement, à bonne distance. Les canards marchaient tranquillement, sans tirer la langue ni battre des ailes, signe qu'ils ne stressaient pas.





A la fin de la journée, tous les chiens étaient capables de diriger un troupeau d'une quinzaine de canards sur un petit parcours comprenant le passage entre deux barrières, un slalom entre 4 cônes, un autre passage sur un pont imaginaire. L'immobilisation du troupeau et un "stop couché" pour finir. Inutile de vous dire que je n'étais pas peu fière de ma petite chienne ! Le soir nous avons fait une ballade à Biscarosse. Les chiens étaient heureux de courir dans le sable, le long de l'océan, et les pattes crottées de fumier et de boue redevenaient bien blanches.





Le lendemain matin, pas de pluie, mais des Shetland un peu trop réservés face aux brebis ! Pour les remotiver, Gégé a sorti du cercle un gros agneau et ils pouvaient donc courser celui-ci, sans risquer de se faire charger. Gégé avait d'ailleurs gardé Tête Rousse à la bergerie.











Après, nous avons chacun à notre tour sorti le troupeau du cercle et conduit sur un petit parcours. Ortie poussait bien et s'inversait bien, mais elle ne voulait plus trop s'approcher des bêtes. Il fallait l'encourager beaucoup pour qu'elle ne laisse pas trop de distance entre elle et les brebis. Prudente, elle observait le troupeau et, au premier écart d'une brebis, elle se déportait, alors qu'avant elle se serait jeté sur la bête en question ! Le coup de tête pris la veille était encore bien présent dans sa mémoire. Alors il a fallut beaucoup d'encouragements et l'aide de Gégé pour ramener le troupeau dans son cercle... et je crois qu'Ortie était soulagée lorsqu'elle faisait son "stop couché" devant le portail bien fermé derrière les brebis qui l'observaient avec leurs yeux clairs !





Jusqu'à la fin du stage, je participais surtout aux exercices avec les canards. Ortie s'amusait et commençait à apprendre la droite et la gauche par rapport au troupeau. Elle poussait les canards doucement ou plus vite, et nous faisions des petits parcours presque sans faute. Toutes les deux, nous avons beaucoup appris. Ortie, surtout à obéir et moi, à regarder les concours de troupeau avec un oeil bien différent.











Je pense que cette discipline est dans le sport canin certainement une des plus intéressantes. Gérer la motivation du chien, l'excitation permanente, n'est pas chose facile. L'obliger à obéir, à se soumettre, sans jamais "casser" cette motivation, demande une bonne dose de psychologie canine. En fait, les meilleures aptitudes naturelles de nos chiens ne nous servent à rien si nous n'avons pas un décodeur ! Sans un bon éducateur, rien n'est possible.





Nous voilà rentrées à la maison et ma petite Ortie se repose dans son panier. De temps en temps ses petites pattes sursautent, elle court en dormant ! Je donnerais cher pour savoir si dans ses rêves elle pousse les canards ou si elle fuit les moutons.



 
Article de Karin DUPUY